Témoignage de Flora (extrait), 2020
Les aventuriers du vivant
On arrive à Terran par des chemins variés. On comprend tout de suite que ça se mérite, ce site plein de bernardises qui nous promet plein de surprises et de libertés. Ici, on peut même prendre un nom d’oiseau, si ça nous chante. Et comme dans la nature, la seule loi, c’est l’exception. Nous voilà partis pour un voyage tribal où les gestes et les techniques sont surtout des prétextes pour aller à la rencontre. De la nature, trop souvent réifiée. De notre nature, trop souvent camouflée. De l’autre, des autres, avec qui nous partagerons une expérience d’une rare profondeur.
Les choses sérieuses commencent avec le feu. En trinôme pour briser la glace, mais aussi parce que la complémentarité permet d’être efficace. Archet, planchette, drille : on en garde le plaisir et la joie de voir s’embraser le nid de mousse er d’herbes et la surprise de voir ces inconnus désormais familiers nous applaudir et nous encourager. On introduit la cordelette sans savoir son rôle précieux de fil rouge.
On se découvre rapidement. Authenticité, vulnérabilité : la mayonnaise du groupe prend, agrémentée des ingrédients complémentaires de Bernard, Kim et Christina, qui mettent de la magie dans la vie ordinaire. Allumer un feu, marcher dans la forêt, façonner ses outils : chaque moment partagé est une source d’émerveillement, même quand il est teinté d’inconfort. Et cette réalité : c’est un peu comme si on se connaissait depuis toujours.
On approfondit. Amadou. Libère de Tilleul. Le groupe s’épanouit, nos éclats de rire, aussi. Certains vont se baigner, nus, dans un endroit magnifique. Certaines assument de laisser les soutifs au placard. Tout apprennent à se connaître, sans faux semblant et en se délestant de ses jugements, d’abord sur lui-même.
Mercredi, c’est jour de sortie ! A nous, les sentiers des Pyrénées, la cueillette vannière, les grands et vieux arbres, les joncs en poisson ou en hochet. La grande pluie nous ravit. Ambiance Seigneur des Anneaux et régression enfantine garanties !
Bernard et Kim nous observent, nous voient évoluer, chacun à des moments différents, sur des plans différents et chacun à son rythme. C’est leur récompense… Cette semaine, on apprend par l’erreur mais surtout par l’essai. On redécouvre que nos mains savent et qu’elles ont une mémoire.
Jeudi, un grand temps fort met tout le monde d’accord. Nous partageons un moment de silence guidé, en conscience, alors que nous taillons notre premier couteau dans l’écorce. Les paroles simples de Kim nous touchent. On note la bourrasque monumentale dès qu’il finit de nous inviter à observer les éléments..
Le soir, Gwen et Antoine s’offrent une brève parenthèse enchantée avec Bernard, dans son jardin. Un exemple de ces moments partagés, entre nous et avec Bernard et Kim, qui constituent autant de pépites qu’on ramènera chez nous. Des éclats bruts et polis.
Le soir, plaisir du coin du feu : un peu d’alcool, beaucoup de chants, le plaisir d’être ensemble et un sacré mal aux cheveux au petit matin !
Le vendredi est un concentré de cette semaine. A commencer par le cercle du matin. La bienveillance, la franchise, l’authenticité, la synergie du groupe nous surprennent. Et puis quand ya besoin de dire merde, on se dit merde tranquillement. On se dit surtout des belles choses, à vrai dire. En étant attentifs aussi bien à nos propres besoins qu’à ceux du groupe. En se rappelant également que des intentions précises apportent des résultats précis.
Nous voilà en route pour notre ultime sortie : le grotte. Un climax pour nous tous, pour des raisons différentes. Les sensations fortes de Louis qui manque de glisser dans le boyau et voit sa vie défiler avant que Thomas ne le rattrape.
Dernier repas du soir. Rendez-vous au foyer pour une petite histoire du feu. Kim nous transmet plus que des informations : un questionnement.
C’est avec lui et tant d’autres choses que nous repartirons. Nous avons ouvert des portes dans nos têtes, fait germer des graines dans nos mains, fait résonner le bruit ancestral des fibres qu’on tisse. Nous avons réappris des gestes simples qui accompagnent l’humanité depuis la nuit des temps. Nous avons compris que nous n’étions pas seuls et que nous étions, chacun à notre manière, des aventuriers du vivant. Et que contre l’absurdité qui nous frappe trop souvent dans ce monde, c’est notre plus précieux talisman.
Flora
Avec l’aide de Mésange, à la récolte !